Marketing numérique et marketing traditionnel : une synergie à exploiter

Marketing numérique et marketing traditionnel : une synergie à exploiter

Diego Fontana Publié le 10/16/2019

Pour introduire la révolution numérique, intéressons-nous au cas Coca Cola/Mentos. Aux alentours de 2005, deux jeunes gens se sont amusés à créer des vidéos dans lesquelles ils plongeaient les célèbres bonbons à la menthe dans la boisson la plus connue au monde, générant ainsi des geysers de mousse spectaculaires. Ces vidéos ont eu un succès si phénoménal qu’elles ont attiré l’attention des deux marques impliquées.

Quand Mentos a cherché à exploiter les retombées positives qu’elle pourrait tirer de ces images, Coca Cola a eu plus de mal à avaler la pilule, et a décidé d’attaquer les jeunes vidéastes en justice pour atteinte à l’image… avant de faire machine arrière ! Le succès de ces vidéos en matière de partages, commentaires, interactions et autres parodies a finalement eu raison de la firme américaine.

De quoi aurait eu l’air Coca Cola devant un public aussi enthousiaste et impliqué ? Choisir de mettre fin au divertissement – qui plus est pour une marque dont le slogan est “Enjoy!” – aurait été perçu comme une trahison par rapport aux valeurs relationnelles, sociales et d’ouverture à la vie que Coca Cola prêche depuis des décennies dans ses campagnes publicitaires.

L’inversion du processus

Pourquoi cet épisode est-il aussi significatif ?

Parce qu’il dénote clairement une inversion des pôles dans le processus de communication. Pour la première fois, ce sont les marques qui subissent une opération de communication générée par ceux qui n’étaient jusque là qu’une “cible” marketing.Avant cet événement, les marques avaient tendance à considérer la communication comme une flèche lancée depuis leur camp vers un public donné (justement appelé “cible”). Dans ce processus, le public n’avait qu’une fonction passive : il pouvait uniquement décoder le message qui lui était envoyé et décider ou non de le suivre. Rien de plus. Par ailleurs, n’oubliez pas qu’avant l’arrivée des réseaux sociaux, il n’existait aucun espace concret permettant d’entrer en relation avec les marques.

L’ère numérique ou l’arroseur arrosé

Le cas de Coca Cola et Mentos marque clairement ce tournant. Pour la première fois dans l’histoire de la communication contemporaine (ou presque), c’est la cible qui renvoie la flèche à l’archer. Et quelle flèche ! Voilà la différence par rapport à l’époque précédant l’ère numérique.

Désormais, le public peut lui aussi créer sa campagne de communication en se servant d’une marque pour parvenir à ses fins, voire en la considérant littéralement comme le destinataire de son message. Chaque jour, les marques constatent de plus en plus clairement qu’elles ne peuvent plus contrôler l’intégralité du processus de diffusion des messages. Bien souvent, les nouveaux consommateurs/créateurs se montrent capables de catalyser l’attention des médias et du public de manière aussi efficace, si ce n’est plus, que les entreprises. Si les contenus qu’ils publient sur les canaux numériques multiplient les vues, c’est parce qu’ils sont perçus de manière plus favorable.Ils semblent, même s’ils ne le sont pas toujours, plus authentiques, mieux intentionnés que ceux produits par les marques. Ces contenus plaisent au public, car ils ne sont liés à aucun objectif de vente ou de persuasion. Au cours des années, les marques ont appris à reprendre un certain contrôle, mais elles ont également dû se réconcilier avec l’idée que les processus de communication ne peuvent plus fonctionner en sens unique. Aujourd’hui, les marques savent que les flux de conversations peuvent au mieux être créés, guidés, adressés et gérés. Pour ce faire, une seule solution : descendre de son piédestal et engager un véritable dialogue avec son public sur les réseaux sociaux.

Concrètement, qu’est-ce qui change pour les communicants ?

Après avoir cerné le contexte dans lequel on évolue, il est plus facile de comprendre les différentes approches pratiques d’un projet. Voyons ensemble, à titre d’exemple pragmatique, les spécificités d’un message adapté à l’une des plateformes numériques par excellence : Facebook.

• Le caractère dialogique

Par rapport à une campagne marketing imprimée, Facebook est une plateforme plus ouverte et plus accueillante pour les interlocuteurs. En réagissant, en commentant et en partageant les contenus, les utilisateurs aident non seulement à comprendre la portée du message, mais ils en font eux-mêmes partie intégrante : leurs actions peuvent et doivent être prises en considération de la même manière que celles des concepteurs du message. « Le point de départ d’un dialogue publicitaire n’est plus Que dire de ce produit, mais Que faire dire aux gens de ce produit », explique Massimo Guastini, directeur artistique de Cookies et ancien président de l’Art Director Club Italia.

Il ne s’agit donc plus de subir les réactions du public de manière passive, mais de concevoir et de rédiger son message en pensant déjà, dans la mesure du possible, à la manière dont le public interagira avec ce message. Comme aux échecs, on ne peut pas prévoir avec certitude les mouvements de l’adversaire, mais si on accepte de jouer le jeu, on doit tout faire pour mener la partie.

• L’esprit de synthèse

Facebook recommande (sans imposer) un usage parcimonieux du texte à l’intérieur des images sur les publications à sponsoriser ; la taille du texte ne doit pas dépasser les 20 % de la taille totale du graphisme à publier. Mieux vaut donc se limiter au duo titre/visuel. Il faut évidemment avoir d’excellentes capacités de synthèse, meilleures que pour la conception d’une page imprimée.

• Le méta-texte

C’est sans doute le signe le plus révélateur de la révolution numérique, et également celui qui passe le plus souvent inaperçu. Contrairement à l’impression, Facebook permet de rédiger du texte indépendamment du contenu. Vous savez, ces lignes de texte qui accompagnent les images ou les liens proposés pour les remettre en contexte. Cette possibilité, que l’on peut qualifier de méta-texte puisqu’elle permet d’ajouter des informations relatives à la manière dont devra être lu le contenu, peut être exploitée de diverses manières :

1. Pour présenter la publication

2. Pour inviter explicitement le public à interagir, à l’aide d’un call to action. Par exemple, en lui posant une question et en l’invitant à donner son avis.

3. Pour donner des éléments de contexte ou des informations supplémentaires, tout comme on le ferait dans le corps d’une page publicitaire traditionnelle.
 
4. Pour réitérer le jeu créatif en ajoutant, par exemple, une blague amplifiant l’ironie de la publication. Cela est particulièrement utile pour s’assurer que l’ironie n’échappe à personne et que le texte ne soit pas pris au pied de la lettre par erreur, ce qui pourrait générer des incompréhensions et déclencher une véritable guerre sur la page.

5. Pour relier la publication au contexte plus large d’une rubrique ou d’une publication précédente.

• Le niveau élevé d’empathie

Enfin, il ne faut jamais perdre de vue l’objectif principal : intéresser, divertir et émouvoir les lecteurs des contenus, si possible en générant des conversations positives au sujet du produit ou du service. Massimo Guastini écrit d’ailleurs à ce sujet : « Le “fail” épique n’est pas le seul cauchemar du concepteur-rédacteur moderne : l’indifférence fait encore plus de dégâts ».Cela signifie que si l’on veut parler avec le public, si l’on veut réussir à créer un véritable dialogue, il faut savoir lire dans le cœur des gens : quel est leur sentiment par rapport à un sujet, quels sont leurs désirs, leurs doutes, leurs frustrations ? Qu’est-ce qui les fait rire ? Qu’est-ce qui suscite d’autres émotions, comme l’indignation ?

En d’autres termes, il faut savoir faire preuve d’empathie et créer des messages qui ne soient pas de simples informations sur un produit, car le risque est de passer totalement inaperçu et de ne pas réussir à générer des conversations. Il faut lier l’information à l’émotion de manière cohérente et dans le respect des perceptions du public avec lequel on souhaite interagir.

Communication imprimée et communication numérique : une union possible

Une dernière information fondamentale avant de terminer cet article : si, lors des premières années de l’ère numérique, on a assisté à des tentatives parfois maladroites visant à adapter les messages conçus pour la communication imprimée (publications imprimées, dépliants, flyers) aux canaux numériques, comme Facebook ou Twitter, le processus semble désormais inversé.

De plus en plus de messages créés à partir des caractéristiques fonctionnant au mieux sur les plateformes numériques prouvent leur efficacité également sur les supports imprimés. Si l’on y pense, l’empathie, l’esprit de synthèse et la capacité à déclencher des conversations dépassent les techniques numériques et constituent des directives très utiles pour la création de tous types de messages voués à communiquer avec le public. Pour terminer sur une note humoristique : vous souvenez-vous du moment où Angelina Jolie et Brad Pitt ont annoncé leur séparation ?

Norwegian Airlines avait alors mis au point un message fonctionnant aussi bien sur les canaux numériques que sur les supports imprimés. Le simple titre “Brad est célibataire” introduisait une offre promotionnelle : Los Angeles, aller simple, taxes incluses, 169 livres sterling.

Cette campagne simplissime à la conception résolument économique et qui a connu un succès mondial a prouvé que numérique et analogique pouvaient aller de pair, à condition de savoir créer un message vraiment pertinent, conçu pour entamer le dialogue avec les personnes auxquelles il est destiné.18