Cinq machines qui ont changé le monde de l’imprimerie

Cinq machines qui ont changé le monde de l’imprimerie

Giovanni Blandino Publié le 10/13/2022

Cinq machines qui ont changé le monde de l’imprimerie

Nouvelles idées, initiatives entrepreneuriales, erreurs incroyables, brevets et inventeurs… Ce ne sont que quelques ingrédients des histoires que nous allons raconter. Aujourd’hui, nous vous présentons cinq machines qui ont révolutionné le monde de l’imprimerie à partir du 19ème siècle.

Les imprimeurs, les scientifiques et les inventeurs n’ont jamais cessé d’essayer d’améliorer l’incroyable invention de Gutenberg : l’impression à caractères mobiles. Depuis, des machines ingénieuses ont été développées pour faciliter les différentes activités liées à l’imprimerie, telles que la mise en page, la création de caractères et, bien sûr, l’impression elle-même.

La Linotype, la presse rotative, l’impression offset, la Lumitype ne sont que quelques-unes des inventions réussies qui ont contribué à définir ce que nous appelons aujourd’hui “l’impression”. Ces machines nous ont permis d’imprimer en plus grand nombre, plus rapidement et plus efficacement, nous faisant passer de la révolution industrielle vers l’ère numérique.

La presse rotative

Les journaux fraîchement imprimés passent à la vitesse de l’éclair dans d’énormes rouleaux : C’est une image qui nous est tous familière. Mais, bien que la presse rotative soit gravée dans notre imaginaire collectif, cette invention est apparue relativement tard dans l’histoire de l’imprimerie. En effet, ce n’est qu’au 19ème siècle que l’on a commencé à réfléchir à un nouveau système pour remplacer la presse typographique, qui n’a pas beaucoup évolué depuis l’époque de Gutenberg.

Le principe est simple : remplacer toutes les surfaces d’impression plates par des cylindres rotatifs. Un cylindre contient la plaque d’impression, et l’autre le papier. Cela peut sembler insignifiant, mais le passage d’une presse plate à une presse cylindrique a révolutionné le monde de l’imprimerie et a facilité l’exploitation d’autres avancées technologiques de la révolution industrielle. D’abord la vapeur, puis l’électricité. Tout est devenu plus grand, plus raide, plus efficace et l’imprimerie est devenue un processus industriel.

Nous y sommes arrivés progressivement, à travers beaucoup d’intuition. 

En 1814, un inventeur Allemand nommé Friedrich Koenig, a conçu la première presse à cylindre plat fonctionnant à la vapeur, qui a permis d’augmenter la vitesse d’impression de 300 à 1100 feuilles par heure. Trente ans plus tard, l’Américain Richard March Hoe, reprend cette invention et l’améliore pour créer la première véritable presse à rotation. Peu de temps après, il a remplacé les feuilles individuelles par d’énormes rouleaux de papier.

Une presse rotative à six cylindres des années 1860

 La première presse de ce type a été installée au Time de Londres en 1870 et été capable de produire environ 12,000 journaux par heure. Aujourd’hui, certaines presses peuvent imprimer plus de 60,000 exemplaires par heure et le papier peut y circuler à des vitesses pouvant atteindre 30 km/h.

La presse offset

Ceci est la première presse offset qui a été créée par accident. Mais nous y reviendrons dans une minute.

Presse offset lithographique, Rubel (Image : Musée national d’histoire américaine )

L’impression offset est l’une des inventions rendues possibles par la presse rotative. Elle utilise trois cylindres : l’image est transférée du cylindre de la plaque à un cylindre intermédiaire recouvert d’un caoutchouc, puis de ce cylindre au substrat. Mais le transfert de l’image au cylindre en caoutchouc est né d’un… oubli. En 1901, le lithographe américain Ira Washington Rubel a oublié d’insérer une feuille de papier dans la presse lithographique qu’il utilisait, laissant l’image imprimée sur le cylindre en caoutchouc qui servait à maintenir le papier en place.

Lorsqu’il se rendit compte de son erreur, Rubel inséra le papier entre les cylindres, et remarqua que l’image imprimée par le cylindre en caoutchouc était beaucoup plus nette que celle imprimée par la plaque de pierre.

Rubel a immédiatement compris l’importance de sa découverte. Il a construit la première presse offset basée sur ce principe, dans un petit atelier à New York. Le premier modèle a été acheté par l’« Union Lithographic Company » de San Francisco  en 1905 et envoyé sur la côte ouest. Mais un tremblement de terre dévastateur à San Francisco et un incendie dans le port d’Oakland ont retardé son arrivée, elle n’a été utilisée pour la première fois qu’en 1907. Elle imprimait environ 2500 feuilles par heure.

Cette même machine est aujourd’hui conservée au Smithsonian Institute de Washington (dont nous avons déjà parlé, ici)

La Linotype

Depuis l’invention de l’imprimerie jusqu’à l’ère industrielle, une activité est restée inchangée pendant quatre siècles : la composition.

Des ateliers animés des éditeurs du 15e siècle aux grandes imprimeries du 18e siècle, le compositeur a continué à travailler à la main, en arrangeant un caractère à la fois, dans les lignes du bâton de composition. Une fois qu’il a fini, la page est prête à être encrée et imprimée. Le compositeur devait alors démonter la page et recommencer le même processus pour la page suivante.

Avec l’avènement de la vapeur et le début de la révolution industrielle, de nombreuses tentatives ont été faites pour mécaniser cette opération, mais pendant des années, aucune n’a été couronnée de succès. Puis la linotype est arrivée.

Image: Smithsonian Institute

Inventée en 1881 par un Allemand émigré aux États-Unis, Ottmar Mergenthaler, la Linotype (contraction de “line-o’-type”) s’est rapidement imposée, révolutionnant le monde de l’imprimerie.

Il s’agissait de la première machine à composer automatique : elle utilisait une sorte de machine à écrire reliée à une fonderie de caractères miniatures. L’opérateur tape le texte à l’aide d’un clavier, chaque pression sur une touche libérant une matrice (un moule pour un caractère) pour la lettre correspondante, qui est déposée dans la ligne de texte. Une fois la ligne terminée, elle est automatiquement transportée vers une autre partie de la machine où elle est coulée dans du métal en fusion. Les lignes sont ensuite empilées, encrées et imprimées.

Dans cette vidéo intéressante du musée de l’Imprimerie et de la communication graphique de Lyon, en France, nous pouvons voir toutes ces étapes en action en même temps qu’une ancienne machine à Linotype est utilisée.

La première machine Linotype a été installée au New York Tribune en 1886. Composée de milliers de pièces, la machine était extrêmement complexe et devait subir de nombreuses modifications et améliorations au fil des ans. http://www.sitographics.it/stampa_linotype.htm.

En 1889, la machine Linotype remporte le Grand Prix de l’Exposition universelle de Paris et se répand rapidement dans le monde entier. Ce n’est qu’avec l’introduction de la photocomposition dans les années 70 que cette machine extraordinaire a commencé à tomber en désuétude.

Le Lumitype et la photocomposition

Au milieu du XXe siècle, le procédé de composition “à chaud” utilisé par les machines Linotype a commencé à être remplacé par la composition “à froid”. C’est une autre révolution : la photocomposition est née. Finies les lignes de caractères coulées sur place : la composition se fait désormais à l’aide d’une machine appelée “photocomposeuse”, qui produit des négatifs de films.

Ces négatifs étaient ensuite utilisés pour créer les plaques employées dans l’impression offset. La première machine à photocomposer, appelée Lumitype, a été inventée en 1946 par deux ingénieurs français, René Higonnet et Louis Moyroud. Cependant, les deux hommes ont dû déménager aux États-Unis avant de trouver quelqu’un intéressé par leur invention. Baptisée Lumitype Photon, leur première machine est fabriquée par Lithomat à New York en 1949.

Lumitype 550 de 1965 (Image : Rama [CC BY-SA 3.0])
Le premier livre à être entièrement photocomposé fut “The Wonderful World of Insects” et, sur la dernière feuille du livre, apparaissent les mots : “Rinehart & Company est fier que son livre ait été choisi pour être le premier ouvrage composé avec cette machine révolutionnaire…”

La photocomposition est devenue moins chère dans les années 70 et a libéré l’énergie créatrice des petits imprimeurs : il était désormais possible d’utiliser un nombre inimaginable de polices de caractères, dans n’importe quelle taille, et la mise en page du texte et des images était beaucoup plus facile.

L’ordinateur

C’est une autre machine étonnante qui a scellé le destin de la photocomposeuse : l’ordinateur.

A partir des années 80, la généralisation des ordinateurs a permis la mise en page sur écran. Cela a été rendu possible grâce à deux méthodes : computer-to-film, qui servait à créer des films à partir desquels on fabriquait des plaques d’impression, et computer-to-plate, qui permettait de créer directement des plaques, en supprimant tout le processus de photocomposition (mise en place, exposition et développement des films, puis exposition et développement des plaques).

Un Apple Macintosh de 1984. Image : Institut Smithsonian

Les ordinateurs personnels ont commencé à faire leur apparition dans tous les foyers, permettant à chacun de mettre en page ses propres documents et, avec l’introduction des imprimantes à jet d’encre et laser, de les imprimer chez soi. La révolution numérique avait commencé… mais ceci est une tout autre histoire.

Quelle sera la prochaine machine qui changera radicalement le monde ?