Les affiches de protestation en un coup d’œil

Les affiches de protestation en un coup d’œil

Angela Riechers Publié le 9/9/2017

En Europe comme en Amérique, la conception d’affiches a une histoire unique. Grâce à leur impact fort et rapide sur un large public, ces affiches occupent une place de choix dans le cœur de la plupart des graphistes. Pour le reste d’entre nous, elles font partie de la richesse et de la diversité visuelles du quotidien, dans la rue et dans notre environnement.  Les affiches de protestation ont leur propre histoire. Leur conception – résultant souvent d’un bricolage permettant une diffusion rapide – tend à un sentiment d’immédiateté qui donne une irrésistible urgence au message.

La conception sert de moteur de protestation en informant la population d’une injustice et en l’incitant à soutenir une cause pour créer un véritable mouvement solidaire. Elle donne une voix aux citoyens, attire l’attention, s’attache à un sujet brûlant, exhorte, inspire et affirme. Les affiches de protestation n’ont jamais été exclusivement ou principalement créées par des professionnels ; tout le monde peut attraper une paire de ciseaux, du papier et des pinceaux pour défendre une cause. Autrefois, les affiches de protestation étaient souvent et simplement créées par des amateurs. Aujourd’hui, les moyens numériques utilisés dans la conception permettent de créer des messages de protestation pouvant être diffusés via deux canaux : les supports imprimés destinés au monde réel et les produits numériques partagés en ligne.

L’historique des affiches de protestation du XXe et du début du XXIe siècles montre que la plupart des combats trouvent leurs racines dans une poignée de sujets de fond (apparemment insolubles) quelle que soit l’époque : pauvres contre riches, paix contre guerre, libéraux contre conservateurs, pour n’en citer que quelques-uns, restent des dénominateurs communs. Seuls changent les noms et d’autres détails plus spécifiques qui évoluent au fil du temps.

1931

John Heartfield est justement célèbre pour son affiche satirique créée sous la République de Weimar et pendant la Seconde Guerre mondiale en Allemagne. Le message est le suivant : « Noir ou blanc, il n’y a qu’une seule race au combat, qu’un seul ennemi : la classe exploitante ». Sans même montrer de visage, Heartfield utilise deux poings levés – l’un à la peau claire, l’autre à la peau foncée – pour exposer son point de vue.

© 2007 Artists Rights Society (ARS), New York / VGBK, Bonn 

1936–39

« Que fais-tu pour empêcher cela ? » : voilà ce que l’on peut lire sur une affiche de protestation contre la guerre civile espagnole réalisée par un artiste anonyme. Cette affiche a été émise par le Ministère de la propagande basé à Madrid en guise d’appel à l’aide aux nations étrangères pour combattre la révolution nationaliste du Général Franco. Si sa conception fait écho au Constructivisme russe, son message, au contraire, n’est pas la promesse d’un avenir meilleur, mais un appel à l’aide désespéré.

ARTstor /University of California, San Diego

1967

Le fondateur de Pushpin Studios, Seymour Chwast, a créé cette affiche bouleversante pour protester contre l’implication des États-Unis au Vietnam. L’Oncle Sam, qui nous est si familier depuis les affiches de recrutement pour la Seconde Guerre mondiale réalisées par James Montgomery Flagg, prend un air sinistre dans une mise en scène allant droit au but (les avions grouillent dans la bouche du personnage) sur un fond de couleurs criardes.

The Museum of Modern Art

1985

Les Guerrilla Girls dénoncent le sexisme, le racisme et la corruption touchant la politique, le cinéma, l’art et la culture populaire en mêlant habilement les faits, l’humour et les images outrageuses. Elles ont choisi de détourner l’œuvre de Jean-Auguste-Dominique Ingres La Grande Odalisque (1814) à l’aide d’un horrible masque de gorille pour s’attaquer à un vrai problème : les femmes (très largement sous-représentées dans les collections de musées) sont aussi des artistes, pas seulement des muses.

ARTStor/Smith College Museum of Art

2004

Lorsque le Parti républicain a tenu sa convention nationale à New York en 2004, des contestataires se sont lancés dans une série de manifestations, ralliements, performances, expositions et actes de désobéissance civile pour protester contre l’investiture de George W. Bush à la course à la présidence. Cette affiche utilise une bulle de BD assez sommaire pour mettre en avant l’un des principaux problèmes : le coût humain de la guerre et les dépenses engendrées en pleine période de récession.

Jonathan McIntosh

2008

Cette affiche artisanale et habile contre la guerre en Irak utilise deux approches inédites : la bande blanche au bas du support qui permet d’ajouter à la main des informations actualisées (semblable aux affiches du loto où le montant du jackpot est régulièrement mis à jour) et la citation d’une source fiable.

Random McRandomhead

2009

Un autre point de vue est mis en avant dans cette affiche contre la guerre en Irak par le biais d’une tactique conceptuelle totalement différente. En réalité, il n’y a presque aucun effort de conception. Le nom du parti écologiste apparaît en haut pour annoncer directement d’où vient la protestation, tandis que l’expression « Energy Wars » (guerres de l’énergie) met clairement en valeur la raison du combat. Simple, mais efficace.

peace.mar

2011

Tout amateur de mise en page pourrait concevoir cette affiche en à peine dix minutes et diffuser le message dans la demi-heure. Néanmoins, comme dans la plupart des supports du mouvement Occupy Wall Street, et bien que la formulation soit extrêmement directe, le message est confus et les revendications peu claires. Qui sont ces opposants et pourquoi luttent-ils ? Quel est l’objectif des 99 % ? Si ces faits sous-jacents ne sont pas identifiés et clairs par le public concerné, le message ne passera pas. La communication, qui est l’objectif premier d’une affiche, fait défaut.

Zenhaus

2017

Voici un exemple typique d’affiche « fait maison » qui remplit tous les critères d’un bon support de protestation. Son design basique imprimé sur du papier jaune utilise une police d’écriture de type gras sans serif et le traditionnel cercle à barre oblique, symbole universel du refus (quel que soit l’objet du combat), superposé sur le visage de Donald Trump. Son plaidoyer pour convaincre les citoyens de rejoindre une manifestation improvisée gagne en crédibilité, car l’objectif est clairement indiqué. L’ajout du site Internet de l’organisateur, de son adresse e-mail et d’un numéro de téléphone renforce l’impression de sérieux et de légitimité. Chapeau!

Anti Trump poster 2017. Wikimedia Commons