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L’affaire du Watergate, qui a conduit à la destitution et à la démission du président Richard Nixon en 1974, a été à l’origine de tous les scandales politiques modernes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le suffixe « gate » est souvent utilisé pour baptiser de nouvelles controverses ou théories du complot (pensez au Gamergate ou au Pizzagate). L’enquête qui a fait tomber le président a été menée par des journalistes du Washington Post, l’un des journaux américains les plus anciens et les plus influents.
Fondé en 1877 à Washington D.C., le journal a toujours été un bastion de la liberté de la presse et est considéré comme l’un des journaux de référence du pays, aux côtés du New York Times et du Wall Street Journal. Bien qu’il s’agisse traditionnellement d’un journal libéral de gauche, ses détracteurs l’ont accusé de s’orienter vers la droite à la suite du second triomphe électoral de Donald Trump.
Il est temps de jeter un coup d’œil à l’intérieur du quatrième quotidien le plus vendu aux États-Unis*.

Une identité enracinée dans la tradition
Comme un bon whisky, le Washington Post (AKA WaPo ou simplement The Post) a un caractère distinctif qui a vieilli gracieusement au fil des ans.
Le titre du journal en témoigne : écrit en caractères gothiques noirs datant de la fin du XIXe siècle, il évoque l’autorité et l’histoire sans pour autant paraître démodé ou guindé.

Depuis 2017, le journal arbore le slogan « La démocratie meurt dans l’obscurité » sous le bandeau du mât. Refrain favori de Bob Woodward, le journaliste du Post qui a révélé le scandale du Watergate aux côtés de son collègue Carl Bernstein, son adoption a été perçue par certains comme une riposte aux affirmations fréquentes de Donald Trump selon lesquelles les grands médias étaient malhonnêtes.
Le Post a une mise en page formelle mais élégante, agréable à l’œil. Publié en format large, il utilise beaucoup d’espace blanc entre les colonnes et les titres, avec des règles fines et subtiles pour délimiter les articles.
En 1998, le journal a fait l’objet d’une refonte qui a consisté à réduire légèrement le format et à réorganiser le contenu pour l’adapter à la nouvelle taille.

Polices classiques gracieuses
Comme le New York Times, l’aspect élégant et traditionnel du Washington Post doit beaucoup aux polices de caractères qu’il utilise.
Pendant des années, le Post a utilisé une version standard du Bodoni comme caractère de titrage. Mais en 1998, le créateur de caractères Matthew Carter de Font Bureau a créé une version modifiée avec des changements subtils destinés à la remettre au goût du jour : l’équipe de designers du Post estimait que les capitales étaient trop voyantes et donnaient au journal un aspect terne. Il en résulte des majuscules plus petites et plus fines, ainsi que des graisses régulières et grasses, en romain et en italique, et d’autres polices pour les fractions.
La nouvelle police de caractères pour les titres a été baptisée à juste titre “Postoni”.

Lors de la refonte de 1998, Font Bureau a également modifié le caractère Century Oldstyle utilisé pour le texte courant. Rebaptisé « Postroman », le nouveau caractère a été conçu pour s’adapter à des colonnes plus étroites tout en conservant sa lisibilité grâce à une légère augmentation de la hauteur.
Photographies et autres graphismes
L’utilisation d’images et d’illustrations par The Post n’a rien de particulièrement innovant. La première page comporte généralement une photographie centrale rectangulaire occupant quatre colonnes. Ces dernières années, la photo est parfois apparue à la moitié de la page, contrairement à la position traditionnelle située immédiatement sous le titre.
En tant que journal ayant une forte tradition de journalisme d’investigation, The Post a toujours préféré les photographies aux illustrations, ces dernières étant réservées aux pages culturelles et aux suppléments (Style, Outlook, Weekend, Food, Art, Book, etc.).





Les infographies sont utilisées comme éléments explicatifs et occupent une place plus importante dans l’édition numérique, où elles sont utilisées pour raconter des histoires visuelles convaincantes.
Elles sont également utilisées à bon escient sur la page météo du journal.

Un journal qui a du poids
L’un des principaux journaux du pays, le Washington Post a relaté – et parfois façonné – plus d’un siècle d’histoire de l’Amérique. Au fil des ans, ses reportages d’investigation lui ont même valu de jouer les premiers rôles au cinéma, notamment dans All the President’s Men (1976), le récit classique d’Alan Pakula sur le scandale du Watergate, et plus récemment dans The Post (2017) de Tom McCarthy, qui raconte l’affaire des « Pentagon Papers ».
L’esthétique de son design est synonyme de force et d’autorité, tandis que l’utilisation judicieuse des espaces blancs permet aux articles de respirer.
Grâce à sa refonte en 1998 par le magistral Matthew Carter, ainsi qu’aux améliorations ultérieures, il reste une source d’inspiration pour les créateurs de journaux, avec son équilibre minutieux entre le texte et les éléments graphiques.
Mais comme d’autres médias traditionnels, le Post est confronté à des défis à venir, la diffusion de son édition imprimée étant susceptible de chuter davantage. En la personne de Jeff Bezos, le journal a un propriétaire au portefeuille bien garni, mais le prix à payer pour cette sécurité financière semble être une ingérence croissante dans sa ligne éditoriale. Un exemple concret : Bezos a récemment décrété que le journal « écrirait chaque jour pour soutenir et défendre deux piliers : les libertés individuelles et les marchés libres » et qu’il ne publierait pas de « points de vue opposés à ces piliers ».
- 2023 données de l’Alliance for Audited Media
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