Stickers : quand les autocollants deviennent art

Stickers : quand les autocollants deviennent art

Giovanni Blandino Publié le 10/15/2018

Il est difficile de croire qu’un simple bout de papier ou de vinyle au dos autocollant soit capable de tant de choses ! Shepard Fairey a lui aussi eu du mal à y croire, pourtant, cet artiste a sans doute été le premier à transformer un simple autocollant en œuvre d’art. C’est en tout cas ce qu’il affirme dans l’introduction de son essai rédigé en 2003, dans lequel il raconte sa fascination pour les stickers en tant que forme d’expression.

Nous sommes dans les années 80, au moment où les autocollants commencent à se populariser chez les “skaters” et les punks américains. Ces derniers semblent obsédés par ces images adhésives (logos, tags et illustrations) qu’ils collent sur leurs tables et leurs vêtements, et qui peuvent être reproduites et diffusées par milliers. Aujourd’hui, il existe un terme bien connu pour les nommer : les images virales.

C’est donc chez les “skaters” qu’est née la première image virale au format autocollant représentant un catcheur français accompagné d’une phrase énigmatique. En quelques années, des centaines d’images “André the Giant Has a Posse” se sont retrouvées collées dans les villes du monde entier. Petit retour en arrière sur ce phénomène.

“OBEY GIANT” : la première œuvre d’art au format autocollant

C’est en 1989 que Shepard Fairey, un étudiant à l’école de design du Rhode Island (États-Unis), a créé le premier autocollant “André the Giant Has a Posse” à l’effigie du catcheur français André the Giant. À côté de son image sont indiqués son poids et sa taille (2,24 m pour 236 kg) et la mystérieuse phrase “André the Giant Has a Posse”.

Shepard commence à diffuser son autocollant dans la ville de Providence, dans l’État du Rhode Island, durant l’été. Puis, ses amis et des artistes d’autres villes s’y mettent à leur tour et, en quelques mois, Shepard se retrouve à fabriquer à la main des milliers d’autocollants. Il essaie alors plusieurs solutions techniques avant de trouver la plus pratique : des autocollants imprimés en sérigraphie sur du vinyle. On estime qu’il en a produit des millions entre 1989 et 1996. Après 1996, il décide de sous-traiter leur impression. Encore aujourd’hui, il est possible de commander ce sticker (seulement aux États-Unis) sur le site web de Shepard Fairey.

L’image originale a peu à peu été transformée, et comporte souvent l’inscription “OBEY” ou “OBEY GIANT“.

Image “André the Giant” dans sa version la plus emblématique. Image : flickr/ Michell Zappa [CC BY-SA 2.0]

L’art accessible et démocratique

« Je pense que l’art doit être accessible et démocratique », écrit Shepard Fairey dans l’une de ses récentes publications sur Facebook. « Le “street art” joue un rôle important dans cette approche, mais j’utilise aussi d’autres concepts, tels que les impressions à petit prix, les T-shirts, Internet, etc. Avec mon art, je veux atteindre les gens par tous les moyens possibles ! »

Les stickers ont, de toute évidence, été un moyen d’expression fondamental pour l’artiste, tant et si bien qu’en 2008, il a créé une autre image qui restera dans l’histoire – Barack Obama Hope – et qui doit son incroyable diffusion au format autocollant.

Autocollant de l’image “Hope” avec Barack Obama collée sur un MacBook. Image : flickr/Tom Carmoy [CC BY-NC-ND 2-0]
Accessibilité et lien avec le tissu urbain semblent être les caractéristiques essentielles au “sticker art” qui, comme tous les arts de rue, se situe dans la zone grise entre légalité et interdit. Le sticker est libératoire et facile à coller dans la rue, même en plein jour (à la différence des graffitis).

Mais quels messages envoient les autocollants, exactement ? Voyons ce qu’en disent les artistes ! Voici ce qu’affirme Dave Kinsey, artiste et graphiste, dans l’essai de Shepard Fairey datant de 2003 : « J’aime les stickers, parce qu’ils laissent un signe pouvant influencer l’humeur des gens, leur inspirer une pensée ou une réaction. J’aime l’idée que mes autocollants fassent partie du mouvement de la rue, qu’ils soient absorbés par la population. »

Lorsqu’on aperçoit une mystérieuse image en attendant que le feu passe au vert, on peut imaginer qu’elle a déjà été vue à d’autres endroits de la ville ou dans d’autres parties du monde. L’image nous lance un défi et stimule notre imagination. Ainsi, l’art peut même naître d’un simple morceau de papier encollé. Prenez note : les autocollants pourraient bien être la forme la plus adaptée à votre créativité !