City Branding : De l’importance du marketing urbain

City Branding : De l’importance du marketing urbain

Alberto Maestri Publié le 9/9/2019

Ces dernières années, les villes ont, sans l’ombre d’un doute, renforcé leur positionnement et leur pertinence au sein des équilibres nationaux et internationaux. Les observateurs privilégiés, comme ceux du Forum économique mondial, analysent en permanence les espaces urbains, leurs mutations et leurs perspectives d’évolution pour tenter d’établir une carte économique, géopolitique et sociale la plus précise possible sur le monde de demain (pourtant de moins en moins prévisible).

Le thème de l’urbanisme est donc un enjeu important, et le “city branding“, ou marketing urbain, un véritable levier permettant aux territoires de communiquer au mieux, d’attirer les gens, de prospérer et d’être toujours plus compétitifs.

Mais procédons dans l’ordre en commençant par évoquer la signification et l’importance d’une ville compétitive.

Des villes Alfa, Bêta et Gamma

À l’échelle internationale, il existe une classification particulièrement intéressante qui distingue les villes selon qu’elles sont Alfa, Bêta ou Gamma. Une étude réalisée en 1998 par le Réseau d’étude sur la mondialisation et les villes mondiales (GaWC) de l’université de Loughborough à Londres a établi différents paramètres et niveaux permettant de classer les villes mondiales.

Trois groupes ont ainsi été identifiés :

  1. Les villes Alfa : Londres, New York, Milan, Paris, Hong Kong, Singapour, Tokyo, Moscou, Chicago, Francfort, Los Angeles, Karachi.
  2. Les villes Bêta : San Francisco, Sydney, Toronto, Zurich, Lahore, Bruxelles, Mexico, Madrid, São Paulo, Séoul.
  3. Les villes Gamma : entre autres, Boston, Dallas, Rome, Beijing, Prague, Washington, Johannesburg et Lima.

Établir un classement des villes est essentiel, et ce pour différentes raisons. Par exemple, chiffres en mains, on sait que les villes Alfa attirent particulièrement les jeunes, les entreprises et les travailleurs indépendants, qui souhaitent vivre une vie “sans contraintes”. Ces classements servent aussi à motiver les villes pas encore classées à y entrer, entraînant ainsi une dynamique forte et une internationalisation de la concurrence.

Le charme des villes créatives

La perspective proposée par Richard Florida au début du nouveau millénaire est également fascinante. Dans les réflexions contenues dans ses “bestsellers“, dont “The Rise of the Creative Class” (2002) et “Who’s Your City?” (2005), Richard Florida propose le modèle dit des “3T”, acronyme de talent, technologie et tolérance. Ces trois ingrédients spécifiques permettraient en effet de connaître le niveau d’innovation et d’attrait de n’importe quel territoire.

Par exemple, un territoire pauvre en habitants talentueux (en pourcentage), en technologies (malgré l’installation d’entreprises du numérique et des nouvelles technologies) et peu tolérant en matière d’hétérogénéité et de diversité ne peut pas être compétitif dans la période économique actuelle.

Cette perspective est également digne d’intérêt, car elle est transversale à la taille et à la densité de population d’une ville donnée ; une différence fondamentale par rapport au classement GaWC. En effet, le modèle des “3T” de Richard Florida met sur un pied d’égalité les villes de très petite, petite, moyenne et grande tailles, lançant un énorme défi au “city branding”, résumé dans cette question :

À l’heure actuelle, comment communiquer effectivement et efficacement les spécificités d’une ville ?

Les retombées positives pour un territoire sont innombrables. En effet, avoir une image forte, immédiatement reconnaissable et coordonnée permet de :

  • s’ouvrir au marché du tourisme avec efficacité
  • attirer les investissements privés et publics
  • attirer sur le territoire les sièges sociaux des plus grandes entreprises nationales et internationales
  • attirer les jeunes, les innovateurs et les start-up, générant de nouveaux écosystèmes créatifs
  • créer une ambiance unique et une expérience irrésistible pour ceux qui la vivent

“City branding” : les exemples mondiaux à connaître

Avec ce type de sujet, la première ville à laquelle on pense est bien entendu New York. Cette métropole a fait du marketing urbain un véritable levier de développement à l’échelle mondiale, devenant ainsi le point de destination de centaines de millions de personnes unies par la même sensation : à New York, on se sent exister, vivre, respirer. Une atmosphère unique, notamment stimulée par l’image de “marque” de la ville.

Vous reconnaissez certainement l’image de couverture de cet article. I NY : un logo puissant qui, depuis 1977, est largement utilisé et copié pour promouvoir la ville dans le monde entier. Ce logo est d’ailleurs devenu une véritable marque détenue par le (chanceux !) Département du développement économique de l’État de New York. En réalité, ce logo fait partie d’une campagne publicitaire plus complète et complexe, caractérisée par une chanson – devenue hymne officiel en 1980 – écrite et composée par Steve Karmen.

Plus récemment, l’agence créative Bellweather a repensé l’image de marque urbaine de New York en concevant un visuel plus moderne, plus frais, plus cool.

Ce visuel idéal peut être “rempli” et coloré en fonction des périodes de l’année, comme pendant la Gay Pride, durant laquelle il a revêtu les couleurs de l’arc-en-ciel. Une vraie marque à l’épreuve de la diversité, qui prend en compte le modèle des “3T” de Richard Florida !

Le cœur est un symbole puissant. Il touche la fibre la plus sentimentale et la moins rationnelle du public, si bien qu’il a fait de New York une marque imitée et suivie par tant d’autres. En Italie, un bon exemple de ville de taille moyenne qui travaille depuis des années à la reconception de son image de marque est Parme. En 2017, cette ville d’Émilie-Romagne pleine de ressources (cuisine, culture et paysages, pour n’en citer que quelques-unes) avait même proposé une marque territoriale proche de celle de New York.

Melbourne est un autre exemple réussi de marketing urbain. Grâce à l’agence Landor, la lettre M suffit à identifier clairement l’une des villes les plus vibrantes au monde.

Un “city branding” à utiliser avec modération

Le “city branding” s’affirme donc comme un élément de marketing territorial essentiel pour attirer et retenir les touristes le plus longtemps possible, mais aussi pour convaincre les voyageurs du monde à rester vivre dans la ville. Une sorte de flèche de Cupidon tirée par les villes, car le marché concurrentiel est effectivement mondial.

Mais tout ce qui brille est-il vraiment de l’or ? Bien sûr que non ! Comme toujours, il ne faut pas oublier les réseaux sociaux ! Ces outils indispensables font écho aux campagnes de communication et de marketing territoriales (il suffit de chercher les hashtags des principaux monuments au monde sur Instagram), tout en servant de boomerang.

En effet, les selfies et autres overdoses photographiques risquent de voler la vedette au monument, au paysage, à la réalité en question. Voici, par exemple, une campagne passionnante lancée par la ville de Vienne pour encourager les touristes, notamment les plus jeunes, à profiter des merveilles de la ville en laissant de côté les selfies et autres hashtags inutiles.

Cette initiative ouvre la voie à d’autres cas similaires, souvent suggérés directement par les habitants stressés par cette sur-production d’images qui ôte une partie, voire la totalité, de son âme à la ville. Par exemple, le comité du quartier de la rue Crémieux à Paris, l’un des lieux les plus “instagrammés” de la capitale, a proposé d’interdire la rue aux touristes les soirs et les week-ends. Une demande formelle a même été adressée à la Ville de Paris.

https://www.instagram.com/p/BuElvNzFSWd/

Du “city brand” à la “city innovation”

Dans cet article, nous avons présenté plusieurs exemples réussis et captivants de “city branding” et d’initiatives marketing (ou non-marketing, comme dans le cas de Paris) territoriales. Il existe cependant une maxime dans l’univers du marketing qui vaut tout autant pour les territoires : la preuve par neuf réside toujours dans les actions effectives de la marque. En somme, la marque n’est qu’un début : le défi des territoires est certes graphique et lié à l’identité visuelle, mais une fois l’image de marque définie, les villes doivent la développer et la transformer en services quotidiens efficaces, prendre soin de leurs touristes et habitants, et organiser et sécuriser leurs espaces.

En un mot, le marketing territorial doit créer la City Innovation, également connue sous le nom de “smart city”, ville connectée ou encore ville intelligente. Alors, prêts à passer à l’action ?