“Burn after writing”: le livre à brûler que les millenials s’arrachent

“Burn after writing”: le livre à brûler que les millenials s’arrachent

Thibaud Genevois Franchi Publié le 3/31/2023

« Burn after writing », c’est le nom de ce livre aujourd’hui n°1 des ventes en France et au Royaume-Uni. Le concept ? Répondre à une série de questions personnelles puis brûler le livre pour que personne ne découvre les réponses.

Tout le monde se met à écrire

Beaucoup de gens rêvent d’écrire. Selon un sondage, un Français sur trois a déjà songé à écrire un livre (un roman, un essai, des souvenirs, de la poésie ou du théâtre). Et depuis les différents confinements, les éditeurs Français mais aussi étrangers n’ont jamais reçu autant de manuscrits. Certains éditeurs prestigieux ont même demandé aux aspirants auteurs de ne plus envoyer leurs écrits. Mais au-delà de l’écriture, certains rêvent de succès, de reconnaissance. Et généralement, on pense qu’il faut une bonne histoire et un bon style d’écriture pour faire un succès en librairie. Et bien pas forcément…

Un livre qui ne raconte rien

« Repoussez vos limites, réfléchissez à votre passé, à votre présent et à votre futur, et créez un livre secret qui parle de vous, rien que pour vous. Et lorsque vous aurez terminé, jetez-le, cachez-le… ou brûlez-le après l’avoir écrit » : c’est ce qu’on peut lire sur la quatrième de couverture du livre Sharon Jones. C’est une sorte de journal intime sous forme de QCM et de phrases à compléter. Durant 160 pages, des dizaines de questions très personnelles s’enchaînent : Quel est l’acte bienveillant que je n’oublierai jamais ? Mon premier concert ? Mon premier baiser ? Si je pouvais tout recommencer, je changerais ? Qu’est-ce que l’ado que j’étais à 16 ans penserait de la personne que je suis aujourd’hui ? Qu’est-ce ce qui me fait frissonner de plaisir ? Le responsable de ma plus grande blessure… Si je devais sacrifier l’un de mes proches pour sauver le monde, ce serait… Bref, ici l’auteure donne le cadre, et c’est le lecteur qui rédige l’histoire ! C’est un livre où l’on fait le travail soi-même, sans avoir besoin d’être écrivain.

Burn after writing. Crédit : thelindsayeliz

Un livre en opposition aux réseaux sociaux…

L’histoire de « Burn after writing » commence en 2014 quand Sharon Jones, une graphiste du nord de l’Angleterre a vu sa fille adolescente passer énormément de temps sur les réseaux sociaux et se livrer ouvertement sur une multitude de choses très personnelles comme ses choix, ses rêves, ses projets. À son époque, Sharon avait un cahier et un stylo pour noter ses pensées, elle ne partageait pas tout avec des centaines voire des milliers « d’amis » ou de followers. Elle a donc voulu créer « un lieu » qui n’appartient qu’à soi et qui a pour vocation de rester privé. Elle raconte d’ailleurs : « Dans une société où nous partageons tout, Burn after writing va à contre-courant et vous invite à ne rien partager ».

…Boosté par les réseaux sociaux et aujourd’hui numéro 1 des ventes

Durant quelques années, le livre n’a pas eu beaucoup de succès. Mais fin 2019, il a été relancé par une influenceuse TikTok dont c’était le livre fétiche. Ça y est, le phénomène « Burn after writing » était lancé auprès des millenials. La publication de l’influenceuse a été reprise des milliers de fois et le hashtag #burnafterwriting dénombre aujourd’hui plus de 80 millions de vues sur TikTok. Depuis, le succès est au rendez-vous dans un grand nombre de pays et l’ouvrage est même tombé momentanément en rupture de stock. Il faut dire que la pandémie, période qui nous a poussés à l’introspection, était le parfait timing pour ce genre d’ouvrage. Désormais, sur TikTok et Instagram, des fans du monde entier se filment en train d’ouvrir le livre, généralement avec des mains soigneusement manucurées, et y consignent leurs pensées les plus secrètes avant de parfois brûler le livre. Parce que oui, le succès du livre repose surtout sur le concept créatif de brûler ses pensées pour qu’elles restent secrètes à jamais.

Burn after writing. Crédit : the_bookish_astronaut

Un nouveau livre, qui ne raconte rien non plus…

L’auteure semble vouloir surfer sur le succès de « Burn after writing » puisqu’elle a dernièrement sorti un nouvel ouvrage « This is what my soul looks like ». Cette suite fonctionne sur le même principe : des questions auxquelles le lecteur doit répondre pour voir à quoi ressemble son âme. Sharon Jones explique « Pensez à ce livre comme une auto-thérapie. Prenez le contrôle de votre propre croissance personnelle. Reconnaissez vos préjugés, vos sentiments et vos motivations. Augmentez votre conscience de vous-même. Comprenez vos valeurs, vos croyances et vos principes. Découvrez comment vos proches influencent sur votre vie. Améliorez votre intelligence émotionnelle et obtenez un aperçu unique de qui vous êtes et de ce qui vous motive. ». Mais, sans le concept insolite du premier livre, pas sûr que celui-ci connaisse le même succès.

This is what my soul looks like. Crédit: Sharon Jones

À l’heure des réseaux sociaux, on peut donc se rendre compte qu’un concept créatif un peu décalé, même s’il est supposé aller à l’encontre de ces mêmes réseaux sociaux, peut devenir viral et se transformer en un business très efficace. À vous maintenant de juger de l’utilité d’un tel livre…

This is what my soul looks like. Crédit: Sharon Jones